L’ASSURANCE PROTECTION JURIDIQUE AU SECOURS DE L’AIDE JURIDICTIONNELLE :

La loi du 10 juillet 1991 a mis en place un dispositif nouveau combinant un mécanisme d’aide à l’accès à la justice(aide juridictionnelle) et un cadre juridique pour l’aide à l’accès au droit. Depuis cette réforme l’aide juridictionnelle s’est étendue à un nombre croissant de bénéficiaires et l’insuffisance de la rétribution allouée aux avocats s’apparente davantage à une indemnité qu’à une véritable rémunération. En cet état se sont révélées les limites du dispositif mis en place en 1991. Mécontents de cette situation ,les avocats ont engagé des mouvements de protestation à la fin de l’année 2000 et 2001 et devant cette situation la Chancellerie a conclu un protocole d’accord avec les instances représentatives de la profession afin de prévoir les mesures d’urgence destinées à revaloriser la situation des avocats au titre de l’aide juridictionnelle. Le Garde des Sceaux a mis en place en 2001 une Commission de réforme pour l’accès au droit et à la justice avec la mission « de proposer des améliorations au dispositif existant » C’est dans ces conditions que Mr Paul BOUCHET président de cette Commission a proposé des pistes de réforme et déjà l’élargissement de l’assurance protection juridique. Le gouvernement de Mr JOSPIN a déposé sur le bureau du Sénat le 20 janvier 2002,un projet de loi tendant à une refonte globale du dispositif d’aide juridictionnelle. Les grands lignes de ce dispositif prévoyant notamment la généralisation des CDAD n’a pas recueilli l’approbation des instances représentatives des avocats. L’accès au droit et à la justice a donné lieu depuis à de nombreux rapports notamment du CNB et de la conférence des Bâtonniers. Pour autant la grande réforme de l’aide juridictionnelle ne semble pas à l’ordre du jour en dépit de préconisations faites par le rapport DARROIS Les mouvements de grève et les relèvements du montant de l’uv ne règlent pas le véritable problème de fond. L’absence de volonté politique et surtout de moyens budgétaires aggravée par la crise expliquent sans doute cette situation ;encore que l’on puisse légitimement s’étonner que la piste constituée par l’assurance protection juridique ,telle que réformée par la loi du 19 2 2007, n’ait pas été suffisamment explorée par la Chancellerie et les Instances professionnelles. Si le dispositif constitué par l’assurance protection juridique ne peut certes résoudre l’ensemble des problèmes relatifs à l’accès au droit et à l’aide juridictionnelle,pour autant il est susceptible d’alléger dans une large mesure la charge de l’Etat. Le rapport élaboré par le groupe d’étude de l’ANAH aboutit à la formulation de douze propositions dont l’objectif est précisément d’alléger la charge de l’Etat ; tout en réaffirmant l’engagement de ce dernier de permettre au plus démunis d’accéder au droit et à la justice, s’agissant d’un impératif démocratique comme le souligne le rapport DARROIS . L’urgence s’impose alors que la réforme de la garde à vue constituera une charge importante qui relèvera intégralement à la solidarité nationale.

L’accès à la justice : L’Etat n’assure pas de façon satisfaisante l’accès des citoyens au droit et à la justice en particulier celui des plus démunis. Le droit à un procès équitable ,consacré par la Convention Européenne des Droits de l’homme n’est pas respecté dans la pratique française. Ce droit suppose en effet que soient appliqués deux principes fondamentaux : a)-le droit d’être assisté d’un avocat. (L’article 6 (3-c) de la convention proclame le droit d’avoir le défenseur de son choix ou d’être assisté gratuitement par un avocat-annexe1) b)-le droit à l’égalité des armes. La Cour Européenne considère que le principe d’égalité des armes « implique l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à  son adversaire » .(Annexe 2 arrêt DOMBO Voir également Le droit au procès équitable études et documents Mme KARSENTY, Cour de cassation). Pour assurer le respect des droits précités : -assistance effective d’un avocat -égalité des armes : la loi française a prévu, deux voies d’accès – la voie principale : l’assurance protection juridique – la voie subsidiaire : l’aide juridictionnelle Mais en pratique le système actuel est doublement défaillant – L’assurance protection juridique est sous utilisée – l’aide juridictionnelle n’est pas subsidiaire mais principale

1) L’assurance protection juridique est sous utilisée Le médiateur de la république relève dans son rapport du 10 novembre 2010 que dans la plupart des dossiers qui lui sont soumis la garantie protection juridique n’a pas été utilisée par les requérants « lorsque la voie de la médiation s’avère définitivement  compromise et que la saisine d’une juridiction permettrait peut être de faire aboutir une position légitime, on constate que  beaucoup reculent par crainte des frais de justice sans imaginer utiliser la ou les assurances de protection juridique dont ils règlent pourtant régulièrement les cotisations »

A ce stade il conviendrait de connaître le rapport sinistres primes pour cette branche d’assurance. Il est paradoxal de constater que l’assurance protection juridique se développe de plus en plus (« le taux de détention est passé de 35% en 1995 à 46% en 2002. Ces chiffres montrent que si cette assurance a connu une évolution satisfaisante en à peine quinze ans, elle garde encore un fort potentiel de développement, tant en nombre qu’en champ d’intervention ». ( FFSA Assurer 5 mai 2004). Or moins de 3% des clients assurés utilisent ce service !

2) L’aide juridictionnelle n’est pas la voie subsidaire Alors que se développent les contrats de protection juridique les demandes d’aide juridictionnelle s’accroissent. L’aide juridictionnelle est asphyxiée et ne peut plus faire face à l’explosion des demandes. En 2009, 901 630 admissions à l’aide juridictionnelle, 502 732 contentieux civils et administratifs, 398 636 contentieux pénaux pour un budget de 312 millions d’euros (+ 42 % depuis 2002) alors que l’assurance protection juridique réalise de son côté un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros. La situation s’aggrave inexorablement en raison notamment de la réforme de la garde à vue . Plus grave dans la pratique, les garanties protection juridique sont ignorées. Il suffirait de faire respecter le principe de subsidiarité pour soulager sensiblement l’aide juridictionnelle. La situation ne peut pas se prolonger mais au delà de la subsidiarité, il faut sérieusement se poser la question :la protection juridique doit -elle venir en renfort de l’A.J ou se substituer à elle ? L’assurance protection juridique doit elle se substituer en tout ou en partie à l’aide juridictionnelle ? Dans ce contexte il convient d’agir dans deux directions : – promouvoir le rôle de l’assurance protection juridique – renforcer la subsidiarité de l’aide juridictionnelle

1) PROMOTION DE LA GARANTIE PROTECTION JURIDIQUE : La voie d’accès principale au droit et à la justice :l’assurance protection juridique. a) Les éléments de la discussion. La loi n° 2007-210 du 19 février 2007 portant réforme de l’assurance de protection juridique a instauré un principe de subsidiarité en vertu duquel la prise en charge des frais de justice au titre de l’aide juridictionnelle ne peut être accordée lorsque ces frais sont déjà couverts par un dispositif de protection juridique. Ainsi la voie principale d’accès à la justice est l’assurance protection juridique mais dans les faits cette voie est largement inutilisée. L’assurance protection juridique est une assurance très pratiquée en Europe elle a fait l’objet d’une directive d’harmonisation 87/344du 22 juin 1987 en France elle dispose d’un important potentiel de développement.

Position de la Chancellerie : Guillaume Didier, porte-parole du ministère de la Justice et des Libertés 27 septembre 2010 déclare : « Il est important de développer ces contrats de protection juridique parce que cela permet d’être assuré pour le risque civil, lorsque vous avez un litige entre un particulier et un commerçant, entre un propriétaire et un locataire. Il est important que les Français puissent être couverts ; c’est l’intérêt de tous, du justiciable, des sociétés d’assurance, mais aussi des avocats, d’avoir ce nouveau mode de financement ». Pour améliorer l’accès au droit, le ministère de la justice a indiqué le 7 octobre 2010 qu’il souhaite développer l’assurance de protection juridique et trouver des solutions pour alléger le budget de l’aide juridictionnelle. Le 5 avril 2011 a été lancée une Campagne d’information sur l’assurance de protection juridique. Le ministère de la Justice et des Libertés s’est associé à la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA) et au Groupement des entreprises mutuelles d’assurances (Assureurs mutualistes) pour favoriser l’accès au droit du citoyen, en lançant une campagne d’information sur l’assurance de protection juridique. « la protection juridique consiste à informer et accompagner l’assuré dans la recherche d’une solution amiable, et le cas échéant à prendre en charge les frais de contentieux selon les conditions prévues par le contrat de l’assuré. « Cette protection, qui connaît un fort développement ces dernières années, est souscrite par près de 40 % des ménages français. Elle aboutit dans 80% des cas à une solution amiable  des litiges de lavie quotidienne ». Le ministère de la Justice et des Libertés, la FFSA et le GEMA souhaitent donc informer largement les justiciables sur cette protection grâce à la plaquette. « Soyez prêt à défendre vos droits avec l’assurance de protection juridique ». Plus de 700 000 plaquettes d’information seront distribuées par le réseau des adhérents de la FFSA et du GEMA et seront également disponibles dans les lieux d’accès au droit, les associations d’aides aux victimes (par le biais du réseau local de l’INAVEM, fédération nationale d’aide aux victimes et de médiation) et les juridictions. (Cf article Olivier PEDRO-JOSE porte parole adjoint du ministère de la justice). Il est regrettable que les avocats n’aient pas été associés à cette campagne. Il apparaît en effet que l’accent est mis sur la solution amiable considérée comme privilégiée. Or, à ce stade les assureurs considèrent que leurs préposés sont les interlocuteurs « compétents et disponibles » (ils règlent à l’amiable 300 000 dossiers par an). La plaquette rappelle il est vrai que lorsque la partie adverse est défendue par un avocat l’assistance d’un avocat est de droit. Mais à défaut l’assureur aura tendance à imposer une solution amiable à son assuré pour éviter d’avoir à supporter des frais d’une procédure. Position des assureurs : La plainte : La FFSA a déposé une plainte auprès de la commission européenne visant à remettre en cause la liberté de choix de l’avocat instituée par la loi n°2007-210 du 19 février 2007 portant réforme de l’assurance de protection juridique. L’objet de la plainte est de remettre en cause certaines dispositions précises de la loi du 19 février 2007 relatives au monopole de l’avocat en phase amiable lorsque la partie adverse est représentée par un avocat ; à l’interdiction faite à l’assureur de négocier les honoraires avec l’avocat. Mais cette plainte a été rejetée. Le Rapport BOUQUIN avril 2004 : Missionné par la FFSA ,il dresse un tableau positif de la situation existante et souligne un chiffre d’affaires en constante progression. Afin d’être transparent à l’égard des consommateurs, le rapport recommande à l’ensemble des assureurs de s’accorder sur des définitions communes des différentes garanties de protection juridique et de distinguer nettement ce qui relève, d’une part, des garanties de responsabilité civile et, d’autre part, de l’assurance de protection juridique. Les assureurs devraient améliorer la rédaction de leurs contrats par contre il estime qu’il faut veiller à  ne pas trop généraliser les garanties afin que la protection juridique reste abordable pour le plus grand nombre.

La FFSA donne de son côté trois pistes de réflexion : (7 10 2010) a) Améliorer le processus de subsidiarité de l’aide juridictionnelle : Appliquer d’office les garanties de la protection juridique aux lieu et place de l’aide juridictionnelle dans le cas de litiges dans lesquels la responsabilité d’un mineur ou d’un majeur serait recherchée ; ces domaines étant quasi systématiquement couverts par la garantie protection juridique comprise dans les contrats d’assurance habitation b) Lancer une campagne de communication sur l’assurance protection juridique en collaboration avec le Ministère de la justice c) Enrichir les domaines juridiques des garanties protection juridique La FFSA précise à ce sujet : Pour répondre à l’objectif de développer l’accès au droit et contribuer à alléger le budget de l’aide juridictionnelle, les sociétés d’assurances distribuant des produits d’assurance de protection juridique prendraient l’engagement d’étendre les domaines juridiques couverts à : Tous les litiges du droit de la consommation : vente ou achat d’un bien mobilier, litiges avec un prestataire de service (téléphonie, internet, réparateur…), les litiges liés à la santé (actes médicaux, chirurgicaux…). Les litiges liés aux conflits de voisinage (ex : servitudes, troubles anormaux du voisinage) à l’exception des questions de bornage. Tous les litiges avec les organismes sociaux, organismes complémentaires et « de retraites. Les litiges avec l’administration fiscale relatifs à l’impôt sur le revenu, la taxe « foncière et la taxe d’habitation, à condition que l’assuré ait reçu une notification de redressement. « Tous les litiges en lien avec l’achat ou la vente d’un bien immobilier construit « Les litiges liés à la copropriété pour les propriétaires occupants de leur « résidence principale à condition que le différend ait une incidence « économique  pour ce dernier, à l’exception des litiges liés à une activité de syndic bénévole. Les litiges opposant locataires et propriétaires pendant toute la durée du bail « jusqu’à sa résiliation à l’ exception des différends relatifs au recouvrement des loyers et charges relevant d’autres garanties (GRL/ GLI), et à l’expulsion. Les litiges individuels du droit du travail pour les salariés liés à un licenciement individuel ou à la conclusion, l’exécution ou la résiliation du contrat de travail. Les litiges du droit de la famille comme les successions, legs et donations en ligne directe ; le droit de la filiation (ex : adoption, recherche de paternité) ; les incapacités (tutelle, curatelle). Le GEMA groupe des mutuelles souligne que la protection juridique n’étant pas obligatoire, c’est un produit de marché de sorte que toute augmentation des taxes en augmentant son prix le rend moins attractif (en Belgique au contraire il a été décidé de réduire le taux de base sur les contrats de protection juridique, pour inciter les consommateurs belges à financer eux mêmes ce moyen d‘accès à la justice). Elle précise que les avocats sont en guerre avec les assureurs protection juridique et souhaiteraient rendre obligatoire leur présence dans les quelque 300 000 dossiers réglés chaque année à l’amiable par les assureurs protection juridique ce qui transformerait les assureurs en simple tiers payeurs et mettrai au chômage les centaines de juristes compétents qui y travaillent. La commission européenne pour l’efficacité de la justice souligne de son côté que – La France est un des seuls pays où le droit d’agir en justice est gratuit ( en Italie, aux Pays Bas et au Royaume Uni le justiciable doit payer une taxe pouvant aller jusqu’à plusieurs milliers d’euros pour agir en justice). – La France dispose d’un des systèmes d’aide juridictionnelle les plus performants d’Europe (6ème position parmi les pays d’ Europe occidentale pour le nombre d’affaires bénéficiant de l’aide juridictionnelle).